La souveraineté numérique européenne face aux géants américains : un enjeu stratégique pour la French Tech Française

17 janvier 2025 par
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Par Estelle Gallic, responsable AMU chez Kunagi

L'emprise des géants du numérique américains sur l'écosystème digital européen ne cesse de s'accentuer. Selon les données de la Commission européenne, la capitalisation boursière cumulée des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) atteignait plus de 7000 milliards de dollars fin 2023, soit l'équivalent du PIB combiné de la France et de l'Allemagne. Une concentration de pouvoir qui pose un risque majeur pour notre souveraineté numérique. Thierry Breton, ex-Commissaire européen au numérique, expliquait en avril 2024 : «  L’Europe doit prendre conscience de sa puissance et assumer davantage de responsabilités en ce qui concerne sa propre sécurité numérique » dans un entretien accordé à l’occasion de la 16 e édition du Forum InCyber. Thierry Breton a depuis été remplacé par la finlandaise Henna Virkunen, eurodéputée réputée plutôt favorables aux géants de la tech. De nombreux experts européens ont fait part de leurs inquiétudes alors que le Cloud Act américain permet toujours aux autorités d'outre-Atlantique d'accéder aux données hébergées par leurs entreprises, y compris sur le sol européen. Les pratiques de collecte de données des GAFAM continuent de soulever des questions. L'année dernière, la CNIL a infligé des amendes record de plus de 200 millions d'euros à plusieurs de ces acteurs pour non-respect du RGPD.

 

Des Français de plus en plus soucieux de leurs données numériques

 

Un phénomène particulièrement préoccupant a émergé ces dernières années : le "souveraineté washing". Selon une analyse du Figaro parue en novembre 2023, les géants américains multiplient les partenariats avec des entreprises européennes pour "verdir" leurs pratiques, tout en conservant un contrôle effectif sur les données. Or, les Français ne sont pas d’accord. Selon un sondage IFOP de mai 2021 sur les Français et le numérique, 91% des Français considèrent que, comme pour le « Made in France », les services publics numériques doivent « privilégier l’hébergement de données personnelles des Français sur le territoire français ». Dans cette même étude, deux tiers des Français (66%) affirment qu’ils seraient « prêts à renoncer à un service numérique (ou à recourir à une alternative concurrente) parce qu’il n’indique pas clairement comment leurs données personnelles sont utilisées et où elles sont stockées ».

 

Des alternatives locales dans la « French Tech »

 

Face à cette situation, l'écosystème numérique français tente de se mobiliser. Des initiatives locales émergent, proposant des alternatives aux services dominants. C'est le cas notamment dans le secteur des applications de lien social, où plusieurs start-ups françaises développent des solutions respectueuses du RGPD et hébergées sur le territoire national.

Ces entreprises misent sur un développement local et une transparence totale sur l'utilisation des données personnelles. Parmi ces initiatives, la start-up française Kunagi illustre cette nouvelle approche du numérique responsable. "J'ai voulu créer une application de lien social en dehors des GAFAM pour maintenir le lien social à l'échelle de l'immeuble", explique sa fondatrice Hélène Cayla. L'entreprise a fait le choix d'un modèle économique basé sur l'abonnement plutôt que sur la monétisation des données personnelles. "Kunagi est sans publicité et sans revente de données, avec un abonnement minime à l'échelle de l'immeuble, que peuvent se partager les copropriétaires", précise-t-elle. Une approche qui fait écho aux préoccupations croissantes des citoyens concernant la protection de leur vie privée numérique. La vision d’Hélène Cayla va au-delà de la simple alternative technologique : "Chez Kunagi, nous croyons fermement que l'immeuble est bien plus qu'un simple lieu d'habitation. C'est aussi une expérience de l'altérité, puisque l'on apprend à cohabiter avec des inconnus. Cela doit être aussi un point de départ de la solidarité. Il s'agit de transformer ses voisins en alliés. Cette approche nous permet de créer les conditions propices au vivre-ensemble." Une philosophie qui résonne particulièrement dans le contexte actuel de recherche de liens sociaux de proximité.

 

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